Something's Got to Give (1962)
« Something's Got to Give » aurait été le trentième film de Marilyn.
Seul un tiers fut tourné avant qu'on ne l'abandonne, mais cela n'empêcha pas bon nombre de biographes d'écrire davantage sur ce film inachevé que sur chacun des vingt-neuf films que tourna Marilyn.
« Something's Got to Give » était pensé comme un remake de « My favourite wife », une comédie très populaire de 1940 avec Cary Grant et Irene Dunne, racontant l'histoire d'une femme naufragée que l'on croit morte et qui réapparaît des années plus tard pour découvrir que son mari s'est remarié. Le scénario original, écrit par Sam et Bella Spewack, s'inspirait de « Enoch Arden », un poème d'Alfred Lord Tennyson, qui, lui-même, trouvait son origine dans une histoire de l'écrivain américain David R. Locke.
On proposa ce film à Marilyn; d'après le contrat qu'elle avait signé en 1956, elle devait encore deux films à la Fox. Il a souvent été dit que la première réaction de Marilyn fut de refuser ce film, mais son psychanalyste, le Dr Ralph Greenson, entre autres, la persuada d'accepter : il pensait que reprendre le travail ne pouvait être que bénéfique après les bouleversements émotionnels qu'elle avait subis en 1961. L'une des raisons pour lesquelles on fit appel à elle était que la société de production de son ami Dean Martin, prenait part au projet.
Du point de vue dramatique, le rôle était différent des personnages qu'elle avait interprétés jusqu'alors. Elle incarnait une mère et une épouse, et dans les séquences qui ont survécu, elle dit son texte d'une voix naturelle, et non avec les intonations haletantes auxquelles ses fans étaient habitués.
En termes de carrière, c'était un projet d'importance. Les deux films précédents de Marilyn, « Let's Make Love » (1960) et « The Misfits » (1961), n'avaient pas rencontré le succès auquel elle était habituée, et elle voulait désespérément faire taire les critiques qui affirmaient qu'elle était finie.
Une fois de plus, elle gagnait nettement moins que les autres acteurs, 100 000$, plus 500$ par semaine de tournage, alors que son partenaire Dean Martin et le réalisateur George Cukor touchèrent, dit-on, 300 000$ chacun.
Cukor était sous contrat à long terme avec le studio et lui devait également un film; c'est le producteur original, David Brown, qui fit appel à lui. Selon le biographe Fred Lawrence Guiles, pas moins de sept scénaristes contribuèrent à ce que tout le monde considéra comme un scénario plein d'ennui. C'est pour la version de Nunnally Johnson, avec lequel elle avait travaillé pour « How to Marry a Millionaire? » (1953), que Marilyn se montra le plus enthousiaste. Cependant Johnson se retira du projet en mars 1962, un mois avant le début du tournage.
Il fut alors remplacé par Walter Bernstein, qui fut le seul à être payé pour le scénario, et reçut plus de 300 000$.
Tout au long du tournage, on continua à réecrire le script original; on y introduisit certaines suggestions de Marilyn, et toutes les pages, à l'exception de quatre, furent modifiées d'une façon ou d'une autre. A un moment, le studio tenta de faire croire à Marilyn que le scénario n'avait pas changé - elle regrettait que les modifications n'altèrent la version qui avait sa préférence - en lui donnant les pages récrites sur du papier blanc, plutôt que sur les pages de révision bleues habituelles.
La date du début du tournage fut reportée de février au 23 avril 1962, en grande partie à cause du problème du scénario. A l'époque, Peter Levathes, vice-président en charge de l'exploitation du studio, avait remplacé le producteur original, David Brown, par Henry Weinstein, un ami de Ralph Greenson, qui, semble-t-il, avait persuadé Levathes que Marilyn travaillerait mieux avec quelqu'un qui la comprenait. Greenson vint en personne sur le tournage comme consultant particulier de Marilyn.
Arriva le 23 avril. Marilyn ne vint pas travailler parce qu'elle était malade, mais Dean Martin était lui aussi absent, car il travaillait encore sur un autre film. Marilyn se rendit au studio une semaine plus tard, mais elle ne put tourner qu'un journée : sa fièvre reprit et sa sinusite se réveilla.
Son médecin particulier, le Dr Hyman Engelberg, et le médecin du studio, le Dr Lee Siegel, convinrent que Marilyn avait besoin de repos.
Chez elle, Marilyn continua à travailler avec Paula Strasberg sur le scénario, tentant de faire face aux modifications et remaniements massifs qu'elle recevait presque quotidiennement. Entre-temps, Cukor choisit, faute de mieux, de tourner les scènes des autres acteurs et les plans pris du point de vue de Marilyn.
Marilyn vint travailler quelques jours de suite vers la mi-mai, mais le 17 mai, elle embarqua pour New York. Le studio l'avertie aussitôt que ce voyage constituait une rupture de contrat, mais on dit également que les chefs du studio lui avaient donné leur accord tacite.
Le 19 mai, au Madison Square Garden, Marilyn chanta « Happy birthday » pour John Kennedy. Une fois de retour, elle se remit au travail et tourna notamment la séquence de la piscine, où elle ôta spontanément son maillot de bain couleur chair et posa pour les derniers nus de sa vie.
Cependant, il avait déjà été décidé de mettre un terme à la production.
C'est le lendemain de la fête organisée par les membres de l'équipe pour son trente-sixième anniversaire, que Marilyn apprit qu'on allait la renvoyer du film. En fait, la production ne s'arrêta pas avant la fin de la semaine suivante. Menacée d'être renvoyée, Marilyn refusa de continuer à travailler avant d'avoir défini sa position avec ses conseillers. Entre-temps, le studio annonça à Marilyn qu'il se préparait à la poursuivre pour rupture de contrat.
C'est Ralph Greenson qui conduisit les négociations - on le rappela à Los Angeles alors qu'il était en voyage en Europe.
Il faut considérer les circonstances du renvoi de Marilyn en ayant à l'esprit les très grandes difficultés que la Fox et l'industrie du cinéma dans son ensemble connaissaient à l'époque.
La Fox se retrouvait dans une situation financière précaire en raison du surcoût énorme du film d'Elizabeth Taylor, « Cléopâtre » (1963), qui dépassa les 30 millions de $ (dont un bon million pour Elizabeth Taylor). Il faut ajouter à cela la concurrence de la télévision, que subissaient tous les studios d'Hollywood, puisque de nombreux foyers américains possédaient désormais un poste, et le pouvoir grandissant des stars - une « passation » de pouvoir que Marilyn elle-même avait contribué à initier en quittant le studio au milieu des années 1950 et en renégociant un contrat plus favorable.
On peut considérer que la Fox cherchait un prétexte pour mettre un terme au film. De nombreux biographes avancèrent que le studio voulait récupérer de l'argent en tirant profit de l'assurance, et insista délibérément sur la mauvaise santé et le manque de fiabilité de Marilyn pour justifier son renvoi. A l'époque de tous ces événements, on remplaçait la vieille garde de la Fox par de nouveaux directeurs, les propriétaires des studios s'affolant de la perte d'influence de la société.
Le 7 juin 1962, Marilyn fut officiellement renvoyée pour « rupture de contrat », après que Levathes eut enrayé le projet.
Le studio intenta un procès à Marilyn, lui réclamant 500 000$ de dommages et intérêts, chiffre porté ensuite à 750 000$. Entre la suspension de la production et le renvoi officiel de Marilyn, le studio chercha une remplaçante. Après le refus de Kim Novak et de Shirley MacLaine, qui avaient sa préférence, la Fox fixa son
choix sur Lee Remick (). Finalement le choix de la Fox importa
peu, puisque une clause du contrat de Dean Martin prévoyait qu'il approuve le
premier rôle féminin : il refusa de travailler avec quiconque d'autre
que Marilyn. Par représailles, le studio poursuivit alors la société de
production de Dean Martin* pour le coût total du film, soit plus de
trois millions de $.
Après l'annulation du film, les membres de l'équipe passèrent une annonce commune dans le magazine Variety, remerciant ironiquement Marilyn d'avoir été renvoyés. Elle fut très blessée par cette critique publique.
Marilyn se battit pour qu'on la réintégrât dans le film. Comme elle l'écrivit dans un télégramme à Robert Kennedy et à sa femme, qui l'avaient invitée à leur rendre visite en Virginie : « J'aurais été ravie de votre invitation en l'honneur de Pat et Peter Lawford. Malheureusement, je participe à un mouvement de protestation contre la perte des droits restreints des rares stars dont le nom est connu de tous. Après tout, tout ce que nous réclamions, c'était le droit de briller ».
Quelques semaines après le renvoi de Marilyn, Spyros Skouras, président de longue date de la Fox, démissionna. Cependant, en secret, on avait fait appel au scénariste Hal Kanter pour revoir le scénario, et on projetait de réintégrer Marilyn.
Le 25 juillet 1962, Peter Levathes alla personnellement chez Marilyn pour lui annoncer que la Fox voulait qu'elle revienne : non seulement ils allaient abandonner le procès engagé contre elle, mais elle allait être réembauchée à un salaire plus élevé.
L'avocat de Marilyn, Milton Rudin, entreprit de travailler sur les détails contractuels de son retour sur le plateau. Sur la suggestion de Marilyn, on sonda Jean Negulesco pour savoir s'il accepterait le rôle de réalisateur.
Le 1er août 1962, quatre jours avant la mort de Marilyn, la Fox signa un nouveau contrat avec elle, pour un salaire de 250 000$ cette fois (selon certains rapports, on atteignit le chiffre de 500 000$).
Finalement le studio remania le scénario et fit appel à de nouveaux acteurs pour le projet.
Le film sortit en 1963, sous le titre « Move Over, Darling », avec James Garner et la blonde numéro un au
De l'avis unanime des fans de Marilyn qui ont visionné sa prestation, elle se révèle une actrice mûre au jeu magistral, plus radieuse et éblouissante que jamais. La doublure de Marilyn dans ce film, Evelyn Moriarty, a affirmé qu'il y avait suffisamment de séquences pour achever le film, même s'il avait fallu pour cela modifier l'histoire et utiliser des techniques telles que le flash-back.
Ce film inachevé est considéré comme le candidat idéal pour une compilation générée par ordinateur, une fois que la technologie sera capable de reproduire les acteurs à l'écran.
Tournage
Ensemble blanc
avec Dean Martin
avec George Cukor
avec Paula Strasberg
seule
Maillot de bain
Peignoir ,
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(plus de photos ici).
Essais des costumes
ensemble noirEssais des coiffures
1er juin 1962, Marilyn fête son anniversaire ,
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(plus de photos ici).
GENERIQUE
Twentieth Century-Fox
Réalisateur : George Cukor
Producteur : Henry Weinstein
Scénario : Nunnally Johnson, Walter Bernstein (d'après Samuel et Bella Spewack).
INTERPRETES
Marilyn Monroe - Ellen Arden
Dean Martin - Nick Arden
Cyd Charisse -Bianca
Phil Silvers - agent d'assurances
Wally Cox - vendeur de chaussures
Tom Tyron -
Steven Burkett
Steve Allen
- Dr Herman Schlick.
LES SEQUENCES DU TOURNAGE
De brèves séquences du tournage figurèrent dans un documentaire de la Fox, « Marilyn » (1963).
En 1992, Fox Video sortit une cassette en édition limitée, contenant 45 minutes de tournage du film, ainsi que les prises ratées et les tests de costumes et de maquillage. Les collectionneurs font circuler d'autres séquences du film - en tout, cinq heures de matériaux, rushes et prises de vue multiples.
On a découvert ce volume important de matériaux dans une
mine de sel, où ils avaient été entreposés pendant 30 ans. On raconte que la Fox avait tourné 8 heures en tout, mais, à
l'époque du renvoi de Marilyn, le studio avait affirmé que seules 7 minutes
étaient utilisables.